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GAFAM en Europe

Entre dépendance technologique et quête de souveraineté numérique
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  • GAFAM en Europe
  • 29 novembre 2025 par
    GAFAM en Europe
    Teoplan, Sébastien TAHOT

    1. Introduction : le paradoxe de la dépendance numérique Européenne


    L'Union européenne se trouve aujourd'hui au cœur d'un paradoxe fondamental qui définira son avenir au 21e siècle. D'un côté, elle s'est imposée comme une puissance normative mondiale, pionnière dans l'élaboration de cadres réglementaires ambitieux pour protéger ses citoyens et garantir un marché équitable à l'ère numérique. Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) en est l'exemple le plus emblématique, une législation qui a inspiré des standards bien au-delà de ses frontières. De l'autre côté, cette forteresse juridique repose sur des fondations technologiques qu'elle ne maîtrise pas. L'économie, les administrations et la vie quotidienne des citoyens européens sont massivement dépendantes d'un oligopole de géants américains : Google, Apple, Meta, Amazon et Microsoft, connus sous l'acronyme GAFAM.

    Cette dépendance n'est pas seulement économique ; elle est systémique, touchant les infrastructures critiques, les services essentiels et, surtout, la gestion des données. Ce constat soulève une question cruciale de souveraineté numérique : comment l'Europe peut-elle garantir l'application de ses propres lois et la protection de ses valeurs fondamentales quand les flux d'informations et les outils qui les traitent sont contrôlés par des entités soumises à une juridiction étrangère ?

    europe rgpd

    Image by Ralph from Pixabay

    Cet article a pour vocation d'analyser en profondeur cette problématique complexe en s'articulant autour de trois axes majeurs. Premièrement, nous dresserons le portrait de l'hégémonie économique et technique incontestée des GAFAM, en détaillant l'ampleur de leur domination sur les marchés numériques. Deuxièmement, nous exposerons le conflit juridique majeur qui oppose le bouclier protecteur européen, le RGPD, à l'épée de Damoclès de la surveillance américaine, le CLOUD Act, une confrontation qui place les entreprises européennes dans une situation de risque permanent. Enfin, nous examinerons la riposte stratégique et réglementaire de l'Europe, incarnée par des textes comme le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA), ainsi que les efforts pour construire des alternatives technologiques souveraines, une quête ardue pour reconquérir une autonomie numérique devenue vitale.


    2. L'hégémonie incontestée des GAFAM : anatomie d'une superpuissance


    Pour comprendre l'ampleur du défi auquel l'Europe est confrontée, il est indispensable de mesurer la puissance colossale des GAFAM. Ces cinq entreprises ne sont pas simplement des acteurs dominants de leurs secteurs respectifs ; elles forment un oligopole qui a redéfini les règles de l'économie mondiale, accumulant une puissance économique, une emprise sur les infrastructures et une influence politique qui dépassent de loin celles de nombreuses nations.


    2.1. Une puissance économique écrasante

    Les chiffres liés aux GAFAM atteignent des ordres de grandeur qui défient l'entendement et illustrent une concentration de capital sans précédent dans l'histoire moderne. Le tableau suivant synthétise quelques indicateurs clés qui témoignent de leur poids économique écrasant.

    Société

    Capitalisation Boursière (milliards USD, 4T 2021)

    Chiffre d'affaires (milliards $, 2022)

    Nombre d'employés (2022)

    Alphabet (Google)

    1 922

    257,6

    156 500

    Apple

    2 913

    365,8

    154 000

    Meta

    935

    117,9

    71 970

    Amazon

    1 691

    469,8

    1 608 000

    Microsoft

    2 525

    168,1

    181 000

    Pour mettre ces chiffres en perspective, il convient de souligner des comparaisons éloquentes. En août 2020, la capitalisation boursière d'Apple, à elle seule, était supérieure à celle de l'ensemble des entreprises du CAC 40, l'indice phare de la Bourse de Paris. Quelques mois plus tard, en novembre 2020, la capitalisation combinée des GAFAM atteignait la somme astronomique de 7 500 milliards de dollars, soit l'équivalent de 20 % de la valeur de toutes les entreprises cotées aux États-Unis, ou la totalité de celles cotées dans la zone euro. Cette puissance financière est alimentée par des bénéfices colossaux : en 2021, les bénéfices combinés de Google, Apple, Meta et Amazon ont atteint 243 milliards de dollars, des moyens inédits pour financer leur recherche et développement, réaliser des acquisitions stratégiques et poursuivre leur expansion ininterrompue.


    2.2. Une domination verticale et horizontale du marché

    La puissance des GAFAM ne réside pas uniquement dans leur taille, mais dans la structure de leur domination. Elles exercent un contrôle à la fois horizontal sur les services offerts aux utilisateurs finaux, et vertical sur les infrastructures techniques qui sous-tendent l'ensemble de l'écosystème numérique. Cette double emprise crée une dynamique de marché où "le vainqueur remporte tout" ("winner takes all"), érigeant des barrières à l'entrée quasi infranchissables pour de nouveaux concurrents et consolidant un oligopole de fait.

    gafam

    Image by AS Photography from Pixabay

    2.2.1 . Domination verticale (contrôle de l'infrastructure) : 

    Les GAFAM ne se contentent pas de fournir des services ; ils possèdent et contrôlent les fondations sur lesquelles ces services reposent.

        ◦ Cloud computing : Le trio Amazon (AWS), Microsoft (Azure) et Google (Cloud Platform) détient 57% du marché mondial de l'informatique en nuage. Toute entreprise souhaitant héberger ses services en ligne se retrouve, dans une majorité de cas, cliente de l'un de ces trois géants.

        ◦ Systèmes d'exploitation (OS) : Sur le marché des ordinateurs de bureau, Microsoft (Windows) et Apple (macOS) contrôlent 95% des parts de marché. Sur le segment mobile, leur domination est encore plus totale, Google (Android) et Apple (iOS) équipant la quasi-totalité des smartphones et tablettes dans le monde.

        ◦ Navigateurs Web : L'accès au Web est lui-même largement contrôlé. Google Chrome et Microsoft (Edge/Internet Explorer) représentent à eux deux près de 80% du marché, leur permettant de dicter les standards et les technologies du web.

        ◦ Infrastructures physiques : Pour s'affranchir des opérateurs télécoms traditionnels, les GAFAM investissent massivement dans les infrastructures physiques les plus critiques. Ils déploient leurs propres câbles sous-marins de télécommunications, qui transportent 99% du trafic Internet mondial. Le câble Marea, fruit d'un partenariat entre Microsoft et Facebook, représente à lui seul la moitié de la capacité de tous les câbles de l'Atlantique. Le câble Amitié, co-financé par Facebook et Orange, relie directement les États-Unis à la France. Selon les projections, la part de marché des GAFAM dans les câbles sous l'Atlantique devrait atteindre 90% avant 2025, leur conférant un contrôle sans précédent sur les artères de l'Internet mondial.

    2.2.2. Domination horizontale (Contrôle des services) :

    En s'appuyant sur leur contrôle de l'infrastructure, les GAFAM ont bâti des empires de services qui touchent tous les aspects de la vie numérique.

        ◦ Messagerie électronique : Gmail (Google) et Outlook/Hotmail (Microsoft) dominent sans partage le marché de la messagerie électronique, avec des milliards de comptes actifs.

        ◦ Réseaux sociaux et applications : L'écosystème des applications mobiles est largement un fief de Meta. Sur la dernière décennie, quatre des dix applications les plus téléchargées dans le monde lui appartiennent : Facebook, Messenger, WhatsApp et Instagram.

        ◦ Moteurs de recherche : La recherche d'information en ligne est un quasi-monopole de Google, qui détient une part de marché mondiale écrasante de 93%.

        ◦ Contenus numériques : La distribution de contenus culturels est également concentrée. Apple, Google et Amazon dominent le marché du téléchargement de musique payant, tandis qu'Amazon réalise les trois quarts des ventes de livres numériques.


    2.3. Une influence qui dépasse la technologie

    L'hégémonie des GAFAM ne se limite pas au monde numérique. Leur puissance économique et leur emprise sur les données leur permettent d'étendre leur influence à des secteurs traditionnels et de peser de manière significative sur les politiques publiques et les relations avec les États. Cette expansion se manifeste dans les domaines de la santé, de l'éducation, et même dans le fonctionnement des services publics. En France, des partenariats illustrent cette pénétration : Pôle emploi a ainsi collaboré avec Facebook pour former des demandeurs d'emploi aux compétences numériques. Plus critique encore, le secteur de la santé, gardien de données particulièrement sensibles, s'ouvre à ces acteurs : Microsoft, Amazon et Google ont tous obtenu la "certification d'hébergeur en données de santé" sur le territoire français, un sésame qui leur permet de stocker et traiter des informations médicales.

    Cette influence est consolidée par une stratégie de lobbying agressive et bien financée. En 2018, les GAFAM ont dépensé une somme record de 64 millions de dollars pour influencer le gouvernement américain. En Europe, leur activité est tout aussi intense : en 2019, Google a déclaré à lui seul plus de 8 millions d'euros de dépenses en lobbying auprès des institutions européennes. Parallèlement, ces entreprises pratiquent couramment la "porte tournante" ("revolving door"), qui consiste à recruter d'anciens hauts fonctionnaires pour bénéficier de leur carnet d'adresses et de leur connaissance des rouages administratifs et politiques. Le cas de Mathieu Jeandron en France est emblématique : ancien Directeur du numérique pour l’éducation au sein du ministère, il a été recruté par Amazon, illustrant les liens étroits et potentiellement problématiques qui se tissent entre la puissance publique et ces géants privés.

    Pour une entreprise européenne, cette hégémonie n'est pas une simple donnée de marché, mais un ensemble de risques stratégiques concrets. La domination infrastructurelle et logicielle des GAFAM engendre un phénomène de verrouillage propriétaire (vendor lock-in), rendant toute migration vers des solutions alternatives techniquement complexe et coûteuse. Cette dépendance expose également les entreprises à des changements de tarification imprévisibles et unilatéraux, et, dans le cas des plateformes cloud, les place dans la situation paradoxale de devoir souvent héberger leurs opérations critiques sur l'infrastructure d'un concurrent direct.

    Cette domination économique et infrastructurelle n'est pas une simple préoccupation de marché ; elle a créé le champ de bataille même du conflit juridique déterminant de notre ère numérique : l'affrontement entre les principes européens de protection des données et les lois de surveillance américaines.


    3. La donnée, nerf de la guerre : le conflit juridique transatlantique


    Au cœur de l'économie numérique et de la puissance des GAFAM se trouve la donnée personnelle. Pour l'Europe, la protection de cette donnée est un droit fondamental. Pour les États-Unis, l'accès à cette donnée pour des raisons de sécurité nationale est une prérogative légale. Cette divergence philosophique et juridique a donné naissance à un conflit de normes majeur entre le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) européen et le CLOUD Act américain, plaçant les entreprises européennes qui dépendent des technologies américaines dans une situation de non-conformité quasi-inévitable et de risque juridique permanent.

    justice européenne

    Image by Edward Lich from Pixabay

    3.1. Le bouclier européen : le RGPD

    Entré en vigueur en mai 2018, le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) constitue la pierre angulaire de la stratégie européenne en matière de souveraineté numérique. Son objectif principal est de faire de la protection des données personnelles un droit fondamental pour tous les citoyens de l'Union. Le RGPD ne se contente pas d'établir des principes ; il donne aux individus des droits concrets et actionnables sur les informations qui les concernent. Parmi les plus importants, on trouve le droit à l’oubli, qui permet de demander l'effacement de ses données ; le droit à la portabilité, qui offre la possibilité de récupérer ses données pour les transférer à un autre service ; et le droit à l’information, qui oblige les organisations à être transparentes sur l'utilisation qui est faite des données collectées. En renforçant le contrôle des citoyens sur leurs propres informations, le RGPD a instauré un standard de protection élevé, reconnu comme une référence à l'échelle mondiale.


    3.2. L'épée américaine : le CLOUD Act

    Adopté en mars 2018, le CLOUD Act (Clarifying Lawful Overseas Use of Data Act) représente la réponse américaine aux défis posés par la nature transnationale du stockage de données. Cette loi fédérale repose sur un principe d'extraterritorialité puissant et sans ambiguïté. Elle oblige les fournisseurs de services de communication et de cloud computing soumis à la juridiction américaine (ce qui inclut tous les GAFAM et leurs filiales, où qu'elles soient dans le monde) à fournir aux autorités américaines (telles que le FBI ou la NSA) les données qu'elles demandent dans le cadre d'enquêtes, "regardless of where it is stored" (peu importe où elles sont stockées). Concrètement, cela signifie que des données hébergées sur un serveur en France, en Allemagne ou en Irlande par une entreprise américaine doivent être livrées à la justice américaine sur simple mandat, sans que les autorités du pays où les données sont physiquement localisées n'aient leur mot à dire.


    3.3. Le choc des titans : quand le RGPD se heurte au CLOUD Act

    La confrontation de ces deux textes de loi crée une situation de conflit juridique insoluble pour toute entreprise européenne utilisant les services d'un fournisseur de cloud américain. D'un côté, le RGPD interdit formellement le transfert de données personnelles de citoyens européens vers un pays tiers (comme les États-Unis) si celui-ci n'offre pas un niveau de protection "adéquat", ce qui est le cas en raison des lois de surveillance américaines. De l'autre, le CLOUD Act contraint ce même fournisseur à transférer ces données aux autorités américaines s'il en reçoit l'ordre. L'entreprise européenne est donc prise en étau : en confiant ses données à un acteur américain, elle s'expose à ce que ce dernier viole le RGPD pour se conformer au CLOUD Act.

    La réalité de ce risque n'est pas une simple hypothèse théorique. Lors d'une audition au Sénat français en juin 2023, le directeur des affaires publiques et juridiques de Microsoft France a admis avec une franchise désarmante qu'il ne pouvait "pas garantir" que les données stockées dans les centres de données de Microsoft en France ne seraient jamais transmises au gouvernement américain. Cette admission officielle démantèle le mythe de la souveraineté par la localisation : la présence de serveurs sur le sol européen est une garantie juridiquement nulle face à la portée extraterritoriale du droit américain. Face à cette impasse, les tentatives de trouver des arrangements politiques, comme le "Data Privacy Framework" proposé par la Commission européenne, sont largement critiquées. Ces accords sont souvent perçus comme une "renonciation au refus du transfert quasi automatique des données vers les États-Unis", une solution de façade qui ne résout pas le conflit de fond et continue de laisser les données des citoyens et entreprises européennes à la merci des services de renseignement américains.

    Pour les dirigeants d'entreprise, ce conflit de lois se traduit par un risque de non-conformité permanent et potentiellement coûteux. Le choix d'un fournisseur de cloud n'est plus seulement une décision technique ou économique, mais un engagement stratégique qui emporte des conséquences juridiques majeures. L'exposition au CLOUD Act signifie que la confidentialité des données commerciales sensibles, de la propriété intellectuelle et des informations clients ne peut être contractuellement garantie, créant une vulnérabilité qui doit être évaluée au plus haut niveau de l'organisation.


    3.4. Révéler l'invisible : L'initiative HostingTrack

    Face à l'opacité des chaînes de sous-traitance numérique, des initiatives émergent pour apporter de la transparence. HostingTrack en est un excellent exemple. Créée par Baptiste Carpentier de StackGuide : cette base de données ouverte et collaborative référence où les logiciels SaaS (Software as a Service) les plus populaires hébergent leurs données.

    Cet outil permet aux dirigeants d'entreprise et aux directeurs des systèmes d'information (DSI) d'auditer leur propre chaîne de dépendance logicielle. En consultant ce type de ressource, il devient possible d'évaluer concrètement les risques liés à chaque fournisseur et de prendre des décisions éclairées pour maîtriser la souveraineté de ses propres données.

    Pour consulter le projet : HostingTrack


    4. Étude de cas : le "Health Data Hub", la souveraineté sanitaire à l'épreuve du réel

    Health data Hub

    Peu de cas illustrent avec autant de clarté le conflit entre la dépendance technologique européenne et ses impératifs de souveraineté que la controverse autour du Health Data Hub (HDH) français. Ce projet, stratégique pour l'avenir de la recherche médicale en France, est devenu un symbole des risques concrets posés par l'hébergement de données sensibles chez des acteurs soumis au droit américain.


    4.1. Un projet stratégique, un choix technologique controversé

    Lancé en 2019, le Health Data Hub a pour ambition de devenir une plateforme centralisée regroupant les données de santé des Français afin de faciliter la recherche, d'améliorer les soins et de piloter le système de santé. L'objectif est de croiser des bases de données massives (remboursements de l'Assurance Maladie, dossiers hospitaliers, etc.) pour en extraire des connaissances précieuses au service de l'intérêt général. Cependant, dès sa conception, le projet a suscité une vive polémique en raison d'un choix technologique majeur : celui d'héberger l'intégralité de ces données, parmi les plus intimes et les plus sensibles, sur la plateforme de cloud computing Microsoft Azure. Ce choix a immédiatement placé le HDH sous la menace directe du CLOUD Act, exposant potentiellement les données de santé de 67 millions de Français à un accès par les autorités américaines.


    4.2. La bataille juridique et institutionnelle

    La décision d'opter pour Microsoft a déclenché une intense bataille juridique et institutionnelle, mettant en lumière les profondes contradictions de la stratégie numérique de l'État français. La chronologie des événements témoigne de la complexité du dossier :

    • Saisine du conseil d'état : Des collectifs de citoyens et d'associations ont rapidement saisi le Conseil d'État, dénonçant une "atteinte grave et sûrement irréversible" au secret médical et à la protection des données personnelles.

    • Avis critique de la CNIL : En octobre 2020, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), gardienne de la protection des données en France, a rendu un avis sans équivoque. Elle a demandé au gouvernement de cesser de confier l'hébergement du HDH à Microsoft ou à toute autre société soumise au droit américain.

    • Engagement non tenu du gouvernement : Face à la pression, le gouvernement s'est engagé à rapatrier les données sur des plateformes européennes souveraines. Des alternatives comme les entreprises françaises OVHcloud et Cloud Temple, qui proposent des solutions qualifiées SecNumCloud par l'ANSSI, avaient d'ailleurs été sollicitées mais écartées initialement. Cependant, cet engagement de migration n'a pas été tenu dans les délais annoncés, illustrant la difficulté technique et politique de se défaire de la dépendance à Microsoft.

    • Validation temporaire et sous conditions : Finalement, en décembre 2023, la CNIL a validé la poursuite de l'utilisation de Microsoft Azure, mais pour une durée limitée à 3 ans. Dans sa décision, l'autorité a jugé que le risque résiduel était "acceptable" au vu des mesures de sécurité mises en place, mais a réitéré son appel pressant à une migration vers une solution souveraine à l'avenir. Cette décision, perçue par beaucoup comme un compromis pragmatique mais insatisfaisant, souligne l'impasse dans laquelle se trouve l'Europe : incapable de se passer des technologies américaines pour ses projets stratégiques, mais consciente des risques majeurs que cette dépendance fait peser sur sa souveraineté.

    La saga du Health Data Hub constitue un avertissement pour toutes les entreprises européennes manipulant des données sensibles, qu'elles soient dans le secteur de la santé, de la finance ou de la défense. Elle démontre que même avec le soutien de l'État et des garanties techniques avancées, la soumission juridique à une législation étrangère reste le point de friction insoluble. Ce cas d'école met en évidence la nécessité pour le secteur privé d'intégrer la dimension de souveraineté juridique dans ses appels d'offres et ses choix technologiques, sous peine de voir des projets stratégiques paralysés par des conflits de conformité.


    5. L'aparté Odoo : un champion européen... sur infrastructure américaine

    ERP Odoo

    Le chemin vers la souveraineté numérique européenne est semé d'embûches et de contradictions. L'un des dilemmes les plus frappants est que même les plus belles réussites technologiques du continent, celles qui pourraient incarner une alternative aux géants américains, se retrouvent souvent contraintes de s'appuyer sur les infrastructures de leurs concurrents pour assurer leur croissance. Le cas d'Odoo, une entreprise belge, est à cet égard particulièrement emblématique.

    • Introduction d'Odoo : Odoo est une véritable success-story technologique européenne. L'entreprise a développé une suite complète d'applications de gestion d'entreprise (CRM, eCommerce, comptabilité, inventaire, etc.) sous un modèle open source. Grâce à sa flexibilité et à sa facilité d'utilisation, l'ERP Odoo est parvenu à concurrencer de front les grands acteurs mondiaux du logiciel d'entreprise, s'imposant comme un champion européen capable de rivaliser sur la scène internationale.

    • Le partenariat stratégique : Pour soutenir son expansion mondiale fulgurante et servir ses clients dans 175 pays, Odoo a annoncé un renforcement de son partenariat stratégique avec... Google Cloud. Le choix de s'appuyer sur l'infrastructure d'un des GAFAM est assumé et justifié par des impératifs de performance et de scalabilité. Comme l'explique Sébastien Bruyr, directeur commercial d’Odoo S.A. : "nous avons besoin d’une infrastructure cloud sécurisée, fiable et évolutive. Google Cloud nous fournit exactement cela : des machines performantes, une portée internationale et une capacité d’évolution rapide."

    • Le dilemme : Le cas Odoo incarne le dilemme fondamental et potentiellement insoluble de la souveraineté numérique européenne. Comment l'Europe peut-elle aspirer à une véritable autonomie si ses propres champions technologiques, pour atteindre une taille critique et rivaliser mondialement, doivent dépendre des infrastructures de ceux-là mêmes qu'elle cherche à réguler ? En choisissant Google Cloud, Odoo, comme tant d'autres entreprises européennes innovantes, se place volontairement sous la juridiction du droit américain et s'expose, ainsi que les données de ses clients, aux risques inhérents au CLOUD Act.

    Le cas Odoo n'est pas une exception ; il représente la trajectoire par défaut de l'ambition européenne. Il démontre que sans une infrastructure souveraine compétitive à l'échelle mondiale, même les plus grands succès européens finiront par renforcer la domination des entités que l'UE cherche précisément à réguler. Cette situation illustre un cercle vicieux : la domination infrastructurelle des GAFAM est si écrasante qu'elle devient un passage quasi obligé pour la croissance, perpétuant ainsi leur hégémonie et rendant la quête d'une souveraineté européenne encore plus complexe.


    6. La riposte européenne : vers une reconquête de la souveraineté ?


    Consciente des enjeux et des risques liés à sa dépendance numérique, l'Union européenne n'est pas restée inactive. Au contraire, elle a progressivement mis en place une stratégie multidimensionnelle visant à la fois à réguler le pouvoir des géants du numérique et à favoriser l'émergence d'un écosystème technologique européen souverain. Cette riposte s'appuie principalement sur un arsenal réglementaire ambitieux et sur la promotion d'alternatives technologiques et industrielles.


    6.1. L'arsenal réglementaire : le duo DMA / DSA

    Au cœur de la stratégie européenne se trouve un duo de règlements qui constituent une première mondiale en matière de régulation numérique : le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA).

    • Le Digital Markets Act (DMA) : Ce règlement vise spécifiquement les plus grandes plateformes numériques qui agissent comme des "contrôleurs d'accès" ("gatekeepers") entre les entreprises et les consommateurs. Pour être désignée comme telle, une entreprise doit répondre à des critères stricts, comme réaliser un chiffre d'affaires annuel d'au moins 7,5 milliards d'euros au sein de l'UE et compter au moins 45 millions d'utilisateurs finaux mensuels. L'objectif du DMA est d'empêcher ces acteurs d'abuser de leur position dominante pour évincer la concurrence. Il impose une série d'obligations et d'interdictions claires (par exemple, l'interdiction de favoriser ses propres services dans ses classements) afin de garantir des marchés numériques plus équitables et plus ouverts.

    • Le Digital Services Act (DSA) : Le DSA, quant à lui, est guidé par un principe simple mais puissant : "ce qui est illégal hors ligne doit également l’être en ligne". Ce règlement établit un ensemble de règles harmonisées pour tous les services intermédiaires (fournisseurs d'accès, services de cloud, plateformes en ligne). Il vise à lutter plus efficacement contre la diffusion de contenus illicites (discours de haine, désinformation, contrefaçon) et de produits dangereux. Le DSA impose des obligations de transparence et de modération de contenu, proportionnées à la taille et à l'impact des plateformes, les très grandes plateformes étant soumises aux exigences les plus strictes.


    6.2. La réponse fiscale et les alternatives technologiques

    Au-delà de la régulation des marchés et des contenus, la stratégie européenne se déploie sur deux autres fronts essentiels : la fiscalité et la construction d'une base technologique souveraine.

    • Fiscalité : Pour mettre fin aux pratiques d'optimisation fiscale agressive qui permettaient aux géants du numérique d'échapper quasi-totalement à l'impôt en Europe, l'UE a été un moteur dans l'accord mondial sur un impôt minimum pour les multinationales. Entré en vigueur le 1er janvier 2024, cet accord historique prévoit que les entreprises générant plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires soient taxées à hauteur de 15% sur leurs bénéfices, quel que soit l'endroit où ces profits sont réalisés. Cette mesure vise à garantir que les GAFAM contribuent équitablement au financement des services publics dans les pays où ils génèrent de la valeur.

    • Souveraineté Cloud : L'affaire du Health Data Hub a mis en évidence l'urgence pour l'Europe de développer ses propres solutions de cloud computing souveraines. Pour répondre à ce besoin, des initiatives voient le jour pour construire un écosystème de confiance. En France, l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) a créé le label SecNumCloud, qui constitue la plus haute garantie de sécurité et de souveraineté. Ce label certifie que les services d'un fournisseur de cloud sont non seulement techniquement robustes, mais aussi opérés par une entité européenne à l'abri des lois non-européennes comme le CLOUD Act. Des entreprises comme OVHcloud et Cloud Temple sont des acteurs clés de cet écosystème émergent, s'efforçant de proposer des alternatives crédibles et souveraines aux offres des géants américains.

    La stratégie de riposte européenne a des implications directes pour les entreprises du continent. Le duo DMA/DSA n'est pas un simple bruit de fond réglementaire ; il impose de nouvelles obligations de conformité et redéfinit les règles de la concurrence en ligne. Pour les entreprises qui dépendent des "contrôleurs d'accès" pour atteindre leurs clients, ces textes peuvent ouvrir de nouvelles opportunités. Plus largement, cette offensive réglementaire, couplée à la promotion active de solutions souveraines, signale une trajectoire politique claire. Les entreprises doivent anticiper cette tendance dans leur stratégie à long terme, en considérant que la souveraineté des données et la conformité réglementaire deviendront des avantages compétitifs de plus en plus déterminants.


    7. Conclusion : quel avenir pour l'europe numérique ?


    L'analyse de la position de l'Europe face aux GAFAM révèle une tension fondamentale, un véritable numéro d'équilibriste géopolitique et économique. D'une part, l'Union européenne a pris conscience des dangers de sa dépendance et a déployé un arsenal réglementaire sans précédent pour encadrer la puissance de ces géants, protéger les données de ses citoyens et tenter de rétablir des conditions de concurrence équitables. Le RGPD, le DMA et le DSA sont les instruments de cette volonté politique de ne pas laisser le champ numérique devenir une zone de non-droit dominée par quelques acteurs privés.

    D'autre part, cette ambition régulatrice se heurte à une réalité implacable : l'économie et la société européennes sont profondément imbriquées avec les services et les infrastructures des GAFAM. Ces entreprises ne sont pas seulement des concurrents à réguler, elles sont aussi des partenaires indispensables, des fournisseurs critiques et des moteurs d'innovation dont il est aujourd'hui impossible de se passer, comme l'illustrent crûment les cas du Health Data Hub ou même du champion européen Odoo.

    Pour les dirigeants d'entreprise et les experts du numérique, cette situation impose une réflexion stratégique approfondie. Il ne s'agit plus seulement de choisir les meilleures technologies, mais d'évaluer les risques systémiques qu'elles induisent. Les questions suivantes doivent être posées au sein de chaque organisation : Comment la stratégie numérique de mon entreprise résiste-t-elle aux fluctuations juridiques transatlantiques ? Quel est le coût réel de la non-conformité par rapport au coût de la migration vers des solutions souveraines ? Notre conseil d'administration est-il préparé à un avenir où la localisation des données n'est plus un choix, mais une nécessité ?

    Avenir europe

    Image by Jeyaratnam Caniceus from Pixabay

    L'avenir de l'Europe numérique se jouera sur sa capacité à naviguer dans cette complexité. La construction d'une véritable autonomie stratégique est un projet de longue haleine. La question qui se pose est donc la suivante : l'Europe parviendra-t-elle à transformer son rôle de superpuissance normative en une véritable souveraineté technologique et industrielle ? Ou restera-t-elle une puissance régulatrice dépendante, fixant les règles d'un jeu dont elle ne maîtrise pas le terrain ? La réponse déterminera non seulement la compétitivité économique du continent, mais aussi sa capacité à défendre son modèle social et ses valeurs démocratiques. La souveraineté numérique n'est pas seulement un enjeu technique ou juridique ; elle est un véritable projet de société pour le 21e siècle.



    Les enjeux soulevés dans cet article ne sont pas des détails techniques : ce sont les fondations de votre indépendance numérique. Chez Teoplan, nous savons que chaque outil tiers (messagerie, chat, stockage) est une porte potentielle sur votre entreprise.

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    Nos sources:

    SecNumacadémie

    GAFAM — Wikipédia

    Google Cloud and Odoo strengthen their strategic partnership

    Health Data Hub — Wikipédia

    Le Cloud Act face au projet européen e-evidence : confrontation ou coopération ? | Cairn.info

    L’Europe régule les géants du numérique ! - Représentation en France

    Question n°10884 : Dépendance de l'État français aux GAFAM pour les services cloud - Assemblée nationale

    The CLOUD Act | Eurojust | European Union Agency for Criminal Justice Cooperation

    in Le Lab
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